Elevage, Sélection et
Insémination instrumentale
des Reines d’abeilles

publié en français
par le Syndicat National d’Apiculture,
Paris
, 1990.
épuisé.
par Jos Guth
Jos Guth
Photo Nicolas Schroeder
LU-5460 Trintange
Luxembourg

 

DEUXIÈME CHAPITRE

Sélection

10.– La Sélection par la Nature

On dit que la nature est le garant de la meilleure sélection.  Est-ce bien vrai en général et particulièrement en apiculture ?

Les colonies paresseuses ayant un rendement insuffisant, meurent de faim.  De même les colonies qui ont récolté à l’excès et, faute de place n’ont donc pas suffisamment élevé d’abeilles hivernales, sont éliminées.  Les colonies les plus agressives sont celles qui se défendent le mieux contre leurs ennemis et sont donc privilégiées par rapport à celles qui sont plus douces.  Les colonies essaimeuses se reproduisent en grand nombre.  Les non-essaimeuses ne se reproduisent pas.  Durant des générations, la reine est remplacée sans essaimage dans ces dernières colonies anecballiques.  Très souvent, la fille partage le nid avec sa mère.  Mais ces colonies risquent de disparaître s’il s’avère que la fécondation échoue, ce qui est souvent le cas, car ceci se passe généralement en fin de saison.

On dit que l’abeille ordinaire est la mieux adaptée.  Ceci serait plus vrai si l’environnement dans lequel elle doit exister n’avait pas changé.  Mais dans beaucoup de régions, l’urbanisme et les techniques agricoles ont bouleversé le milieu naturel au cours de ces dernières années.  Souvent il ne reste plus que des miellées précoces qu’il s’agit d’exploiter pleinement sans quoi les hausses resteront vides pour toute l’année.  Souvent l’abeille du pays, non-sélectionnée et non adaptée aux nouvelles conditions offertes par le milieu environnant, n’est pas opérationnelle au moment de la récolte; les ruches ne seront suffisamment peuplées qu’en fin de saison.

Il y a des races locales qui présentent des caractéristiques de grande valeur qu’il faut sauvegarder pour l’avenir.

L’insémination instrumentale viendra en aide en garantissant la fécondation avec les mâles appartenant à la même race.  La création de banques de sperme, qu’on espère bientôt être réalisable, sera certainement une aide appréciable pour la conservation à l’état pur de races de provenances diverses.

Dans les ruchers à bon rendement, un grand soin est donné à la sélection de reines destinées à l’élevage, à la sélection de reines servant dans les ruches de production ainsi qu’au renouvellement de ces reines tous les deux ans.

Si nous comparons le sanglier et le porc domestique et si nous considérons le cas de la vache dont la production laitière a doublé en 30 ans avec pratiquement le même apport en nourriture, alors on ne peut nier les résultats possibles de la sélection.  En principe, des résultats semblables sont possibles en apiculture.

Le premier critère de la sélection en apiculture est le rendement en miel.

En second lieu, on sélectionnera une abeille qui ne demandera qu’un minimum d’interventions, car dans un rucher rentable, le nombre de ruches exploitées est sensiblement égal au nombre de ruches qu’on arrive à conduire durant la période d’essaimage.  On sait qu’il y a des races ou des lignées qui, chaque année, poussent inéluctablement à l’essaimage, et ceci même en l’absence de surpopulation.  J’ai fait l’expérience de certaines lignées de la race carniolienne (toutes les carnioliennes n’ont pas cette propriété !) dans lesquelles la reine essaime tout juste après avoir pondu dans les cellules royales.  Ces colonies exigent des interventions techniques compliquées et conduisent à une surcharge de travail.

A l’opposé, dans d’autres races, les cellules royales operculées sont même éliminées par les ouvrières lorsque nous ajoutons simplement une hausse supplémentaire.  Dans ces mêmes races, même en présence des cellules royales, la reine n’arrête pas de pondre, ce qui facilite la restauration de l’harmonie e la colonie.  Dans un rucher moderne, les colonies n’auront donc qu’une faible tendance à l’essaimage.

3me critère : La résistance aux maladies.  Ici, la nature sélectionne réellement : les plus vulnérables meurent.  Les apiculteurs œuvrent toutefois contre la nature, en appliquant des médications qui souvent ne sont pas nécessaires.  Les traitements prophylactiques, non nécessaires, sont à proscrire.  La varroase, toutefois, fait exception : le traitement des colonies est encore obligatoire.  Les maladies du couvain pourraient être écartées par un bon comportement hygiénique (Marla Spivak, 2001, pdf).

4me critère : Tous les apiculteurs souhaitent vivre en bonne amitié avec leurs voisins. Pour cela, nos abeilles doivent avoir bon caractère. De même le travail de l’apiculteur est largement facilité s’il élève une abeille qui tient bien le cadre. Il est bien plus agréable de travailler sans voile ni gants et en n’étant malgré cela pas "criblé" de piqûres douloureuses.

Il faut toutefois se rendre compte que des compromis doivent être faits. Toutes les aptitudes souhaitées sont rarement regroupées dans une seule reine ou une seule colonie.

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11.– Le Problème de la Varroase

À l’avenir, tous les efforts doivent être conjugués pour sélectionner une abeille présentant une tolérance élevée à l’encontre du varroa, c’est-à-dire une abeille ayant la capacité de résister à l’acarien — tout comme le fait Apis cerana, l’hôte de longue date de l’acarien.

Si Apis mellifera n’arrive pas à développer au moins une certaine résistance au varroa, sa survie est mise en question. Combien d’espèces animales et végétales n’ont-elles pas déjà disparu de la planète, suite à l’action d’un parasite contre lequel elles n’ont pas pu se défendre efficacement? Les traitements par produits chimiques que nous utilisons actuellement ne peuvent constituer qu’une étape intermédiaire. Le sursis que nous accordent ces produits (avant l’accoutumance du parasite à ces produits), doit être mis à profit pour sélectionner une race d’abeilles ayant une meilleure résistance au parasite.

On peut constater que certaines colonies sont moins infestées que d’autres et ceci depuis des années. Une étude du professeur Drescher à l’université de Bonn sur l’infection et le développement du varroa au contact des différentes races et lignées d’abeilles présentes en RFA, ont montré que certaines lignées hybrides F1 ont une infestation 6,5 fois moindre que les lignées parentales. L’étude a montré que la période d’operculation est raccourcie de quelques heures chez ces hybrides, ce qui s’explique probablement par une action hétérotique élevée.

Le nombre d’abeilles par colonie et l’étendue du couvain sont des caractères d’importance secondaire; seul le temps pendant lequel le couvain est operculé a une influence sur la prolifération du varroa.

Si à l’avenir on arrive à sélectionner une race d’abeilles ayant une période d’operculation plus courte du couvain, on peut imaginer que la prolifération et la mortalité du varroa seront en équilibre et l’infestation des colonies restera en-dessous d’un niveau critique. D’autre part, d’autres facteurs, comme la détection du varroa par les ouvrières et l’auto-défense de l’abeille mellifère contre le varroa devraient être étudiés.

Mondialement, les maladies du couvain sont en augmentation. La perturbation de l’équilibre due à la varroase n’est pas la seule en cause. Il semble que certaines souches de bactéries, de virus et de champignons soient devenues plus virulentes. Ceci semble être également le cas de la mycose qui prend dans certains pays (Yougoslavie, etc.) une envergure catastrophique.

Lorsque la reine d’une colonie fortement infestée a été remplacée par une jeune reine d’une lignée résistante, les symptômes disparaissent rapidement. L’instinct de nettoyage, la détection des larves malades et mortes ainsi que le nourrissement des larves sont des facteurs à renforcer. La sélection et la stabilisation de ces caractères sont difficiles et demandent souvent une dizaine d’années de travail. On doit fonder l’avenir sur de telles colonies extrêmement vigoureuses.

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12.– Particularités génétiques de l’Abeille

Le mode de reproduction de l’abeille se distingue par de nombreux points de celui des autres animaux domestiques.  Ces faits sont suffisamment connus, mais souvent peu pris en considération lors du choix des mâles.  L’abeille ne possède pas de chromosomes sexuels spécifiques.  On trouve sur les chromosomes de l’abeille au moins une douzaine de facteurs sexuels qui déterminent le sexe.  Si, après une réunion des cellules sexuelles (= fécondation), il y a différence (hétérozygotie) entre les facteurs sexuels, il résultera alors un organisme féminin.  S’il y a identité (homozygotie), il naîtra un mâle.  Ceci est le cas lorsque l’œuf reste non fécondé (phénomène de la parthénogenèse).  Dans la pratique de l’insémination instrumentale, il n’est pas rare que des facteurs sexuels similaires se rencontrent : l’homozygotie s’installe.  Cette probabilité est particulièrement élevée si on se limite aux mâles d’une seule colonie.  La reine possède, certes, deux allèles différents pour chacun des facteurs sexuels.  Cependant, chaque mâle ne possède qu’un seul exemplaire de chacun des facteurs sexuels.  Le tissu sexuel du mâle garde ainsi les 16 chromosomes venant de l’ovule.  Au stade larvaire, il y a dédoublement des chromosomes pour qu’un être parfait puisse se former.  Dans les testicules toutefois, il n’en reste que la moitié.  Il est important de noter que dans le simple lot de chromosomes chaque facteur sexuel n’existe que sous forme d’un exemplaire, ceci pour la simple raison qu’une seule garniture chromosomique est disponible.  Le mâle ne peut de ce fait transmettre qu’une sorte de facteurs sexuels.  Si on se limite aux mâles d’une seule colonie, il peut arriver que par hasard ceux-ci aient les mêmes facteurs que la reine à inséminer.  La possibilité de variation est substantiellement rétrécie.  L’homozygotie s’installe et il en résulte des mâles appelés mâles diploïdes.  Au premier stade larvaire, ces larves de mâles sont reconnues et éliminées par les nourrices (voir page 48 la consanguinité).  Pour éviter ces désavantages, on recommande formellement de prélever les mâles dans plusieurs colonies sélectionnées, avec reines-sœurs.  La probabilité que des facteurs sexuels similaires se rencontrent, est alors très limitée.

12.1.  Les mâles, fils de mâles

Une publication du professeur N. Koeniger [Apid., 5,20 (5)] fait état de l’existence de mâles issus exclusivement du sexe masculin, c’est-à-dire ayant un père mais pas de mère.  Ce phénomène s’explique par le fait de la mort du noyau de l’ovule et le développement du noyau du spermatozoïde ayant fécondé l’ovule.  Du point de vue génétique, ce mâle a par conséquent un père mais pas de mère.

12.2.  Ouvrières pondeuses

Fin mai, début juin les colonies sont à leur point de développement culminant.  Dans certaines colonies, on remarque dans les hausses à miel séparées du corps par une grille à reine un nombre restreint de cellules avec du couvain de mâles.  Cette présence ne peut provenir que d’ouvrières devenues pondeuses, ceci même en présence d’une reine.  Elles pondent sûrement des œufs aussi bien dans les hausses que dans le corps à couvain. 

Lorsqu’une colonie se prépare à essaimer, l’équilibre entre le couvain ouvert et les nourrices est perturbé.  Les ovaires des ouvrières se développent du fait d’un excès de gelée royale.  Ce déséquilibre peut même subsister temporairement dans une forte colonie.  Certaines ouvrières s’apprêtent alors à la ponte (Paul Jungels).  Les mâles qui naissent alors sont généralement de constitution plus faible et sont à écarter lors de la capture pour le prélèvement du sperme.

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13.– Le Point de Vue de la Reproduction et de l’Elevage

La descendance du côté reine-mère, est obtenue sans problème, en élevant à partir de jeunes larves ouvrières d’une reine à bon rendement et aux aptitudes consolidées.  Suite à l’accouplement naturel, les filles de cette reine sont des demi-sœurs d’au moins 8 à 10 pères différents provenant d’un rayon pouvant dépasser 10 km.  Lors du transfert des larves, aucun moyen de reconnaissance de l’origine.  paternelle du patrimoine génétique de ces larves ne nous est donné.  Dans la nature, ces jeunes reines sont à leur tour fécondées par au moins 8 à 10 mâles différents.  De ce point de vue, il est bien difficile de sélectionner sérieusement, au contraire de ce qui est possible chez les autres animaux domestiques! Chez le bétail, par exemple, l’arbre généalogique côté vache et côté taureau est connu.

L’abeille présente néanmoins un avantage: nous avons à notre disposition un très grand nombre de larves d’ouvrières pour l’élevage, permettant ainsi de remplacer toutes les reines d’un rucher en une saison s’il le faut.

À revoir en fonction de la colonie : ...  C’est la reine qui a la plus grande importance dans la composition du patrimoine héréditaire de ses descendants.  62 % des ancêtres d’une ouvrière ou d’une reine sont d’origine féminine, seulement 38 % sont d’origine masculine.  Il existe, d’autre part, une hérédité via le cytoplasme cellulaire (dans les mitochondries), c’est-à-dire que non seulement les informations génétiques passent par les chromosomes, mais une partie des messages transite également via le cytoplasme de l’ovule [Die Biene 7/1987].

Si nous décelons une bonne reine, elle peut dans les meilleurs cas nous servir pendant 3 années comme reine-mère.  Ensuite, elle disparaît avec toutes ses aptitudes.  Rarement les reines filles sont d’égale valeur.

Grâce à l’accouplement multiple, la nature a mis un verrou à la consanguinité.  Cependant, l’éleveur désirant reproduire une abeille répondant à des critères déterminés de productivité, de douceur, de résistance aux maladies, de facilité de conduite du rucher et de bon hivernage, doit utiliser un moyen garantissant l’accouplement des reines avec des mâles déterminés.

13.1.  Les possibilités du contrôle des mâles se limitent aux actions suivantes :

Station sur l'île de Sein

Fig. 14.  Station de fécondation sur l’île de Sein (FR).  Photo Jos Guth.

L’homme a maintenant des possibilités d’intervenir dans la fécondation; la nature est déjouée.  Pendant des millénaires, la sélection naturelle a agi et seules les colonies les plus fortes ont survécu.  La loi de la nature n’était jamais orientée vers un maximum de productivité ou vers la douceur que souhaite chaque apiculteur.

Un programme d’élevage et de sélection doit être établi sur un grand nombre d’individus.  Les éléments ne donnant pas satisfaction doivent être éliminés aussitôt.  Logés dans de petits volumes, ceux-ci sont plus facilement repérés.

Station de Paul Jungels

Fig. 14.  Vue partielle de la station de fécondation de Paul Jungels (LU).  Photo Jos Guth.

Le Frère Adam nous a montré depuis bientôt 100 ans la voie dans ce domaine.

Quelque 400 unités, groupées par 4, dans un seul corps de ruche sont présélectionnées et doivent passer un hiver dans l’isolement de la station de fécondation.  Les meilleures reines sont introduites au printemps dans les colonies de production.  Cette méthode évite des pertes considérables en miel et on progresse plus rapidement dans la sélection.  Entre 50 et 60 % des reines sont écartées au cours d’un travail de sélection sérieux.

Mon ami Paul Jungels (Luxembourg), travaille de la même manière : 240 petites unités avec en majeure partie des reines inséminées, et logées dans 60 corps.  Ces petites colonies doivent être situées sur des emplacements répondant aux mêmes conditions de climat et de flore.

Suite au climat rude, chez Paul, en Ardenne luxembourgeoise, il utilise 5 cadrons au lieu de 4, comme chez le Frère Adam.

Ces petites unités hivernent sans problèmes.  Le développement printanier est spectaculaire et demande le retrait d’énormes paquets d’abeilles pour éviter la surpopulation.  Ce surplus en abeilles sert au renforcement de colonies de production défaillantes et à la préparation des colonies d’élevage.

Critères décisifs pour qu’une reine soit retenue pour l’introduction dans les colonies de production :

En ce moment, plus de 180 reines fécondées artificiellement sont en production.

A trois, à savoir le professionnel allemand Berthold Nengel, Paul Jungels de Brandenbourg et moi-même, nous travaillons ensemble avec quelque 800 colonies pour la sélection.

Paul est le plus méritant.  Il a un don d’observation exceptionnel et maîtrise parfaitement l’insémination.  Le taux de réussite de l’insémination est supérieur à 95 %.  Les reines vivent au moins 3 ans.

Nous recevions également du Frère Adam des œufs âgés de 2 jours et du sperme de ses meilleures souches.

Le travail de sélection est sans fin car les lignées doivent être continuellement retravaillées.  On ne peut pas dire un jour : « Je suis satisfait de ce que j’ai ».  Deux à trois ans plus tard, tout serait à refaire.

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14.– Les Différentes Voies de la Sélection en style télégraphique

14.1. Race pure.

Fécondation dans la propre race, avec des sujets apparentés de manière étroite.  Sert à garder et à stabiliser des aptitudes économiques et d’activité.  Par sélection, on arrive petit à petit, à éliminer des facteurs négatifs.  L’élevage se base sur la stabilité et la permanence.  Ceci spécialement dans le croisement et la combinaison de races différentes.

Sans race pure, tout ne serait qu’improvisation et hasard.

Facteurs négatifs:

Suite à des fécondations entre individus parents, la consanguinité s’installe et des facteurs négatifs comme la perte de la vitalité, de la productivité, etc., apparaissent.

La consanguinité se limite aux aptitudes existantes et rien de nouveau ne peut se créer.

14.2. Accouplement entre lignées.

Pour conserver les souches de race pure, on peut faire des croisements à l’intérieur de la même race, mais avec des écotypes d’autres origines.

Par exemple : La noire, la Savoyarde (de M.  Bernard) avec les mâles sélectionnés des Vosges ou de Seine-Maritime.

Ce moyen nous permet de quitter le terrain de la consanguinité.  Le résultat est une abeille rustique à bon rendement.

D’une race, on ne peut faire plus que ce qu’elle contient au départ.  Comment opérer :

Après que les lignées de la race locale sont bien stabilisées et au moment où il s’avère indispensable d’introduire du matériel génétique nouveau, il faut songer à se procurer quelques bonnes reines d’un éleveur d’une autre région.  Le mieux serait d’emporter une découpe de cadre avec des ¦ufs âgés de 2 jours de la meilleure colonie à caractéristiques irréprochables.  À partir de ce patrimoine génétique, on élève plus de 20 reines qui sont fécondées naturellement.  Après avoir fait leur preuve dans des colonies de production, on choisit les 4 ou 5 meilleures colonies qui serviront comme producteurs de mâles.  Les jeunes reines élevées à partir des différentes lignées de l’abeille locale sont inséminées avec le sperme des mâles de ces nouveaux venus.  Àleur tour, on sélectionne parmi ces nouvelles lignées en faisant des élevages à partir des mères les plus prometteuses et on arrive ainsi à adapter et à améliorer l’abeille aux conditions locales.  Pour chaque région, une sélection locale est nécessaire pour aboutir aux meilleurs résultats.

Des contrôles du rendement et l’évaluation de toutes les données sont la base du progrès.

14.3. Croisement et combinaison .

Le croisement adéquat de différentes races permet de bénéficier pleinement des travaux antérieurs effectués sur les races pures, ainsi que d’avantages économiques considérables.  En première génération (F1), l’effet d’hétérosis joue un rôle non négligeable de productivité, mais des facteurs négatifs s’accentuent, comme la tendance à l’essaimage qui augmente dans certains croisements.

Le comportement change également si nous inversons le croisement.

Exemple : les reines Buckfast avec les mâles carnioliens.  L’inverse augmente la tendance à essaimer.  Les races buckfast, carnioliennes et italiennes se croisent sans aucune altération de la douceur.  Mais toutes les races croisées avec l’abeille noire mellifica, donnent en F1, des descendants plus agressifs mais en général beaucoup plus productifs que la race locale.

L’utilisation de reines F2, F3 est à déconseiller en fécondation non contrôlée.

Avant d’opter pour une autre race que la race locale, on doit être éleveur de reines, sans quoi l’envie d’avoir une abeille douce, tenant bien le cadre et productive, ne restera qu’un rêve et on devient pour l’entourage, un foyer de mâles bâtards.

Un facteur à considérer lors de croisements contrôlés entre races différentes est le fait qu’un plus grand nombre de reines doit être écarté qu’au cours de croisements entre lignées de même race.

Cependant, après quelques générations, comme dans la race pure, une stabilité dans la reproduction est obtenue avec un nombre très limité de reines ne donnant pas satisfaction.  Par la suite, la combinaison entre les nouvelles lignées ouvre un potentiel immense de caractéristiques différentes.

Quasiment, chaque race peut être adaptée à une région donnée sous condition d’écarter scrupuleusement toutes les unités défaillantes.  Quatre à cinq années sont nécessaires aux plus exercés pour élever de telles souches adaptées.

Un conseil : lors d’un changement de race, opérer celui-ci en étapes successives avec un petit nombre de reines.  Apprendre à travailler, étudier le comportement et, par la suite, après l’obtention de résultats positifs, plus rien ne s’oppose à un changement total, mais sans oublier toutefois de pratiquer un élevage contrôlé.

14.4.  Résumons :

Pour une étude plus ample des différentes méthodes de la sélection, on se référera au livre du Frère Adam: Les croisements et l’apiculture de demain.

Chaque apiculteur qui veut travailler de façon intensive doit être éleveur.  Ce sont les jeunes reines qui garantissent en premier lieu le succès et il est bien trop onéreux et non-rentable d’en acheter annuellement chez un éleveur.  Pour avoir du matériel d’élevage avec les caractéristiques souhaitées, on s’adressera à un éleveur sérieux.

C’est une loterie que d’acheter une seule reine pour l’élevage surtout si on envisage de bâtir tout son rucher sur cette unique reine.  On devrait acquérir un minimum de 3 à 4 reines d’une lignée donnée, les comparer entre elles et reproduire à partir de la meilleure, ceci seulement après contrôle des descendants.

À partir de ces reines, il faut réaliser un élevage dès la première année pour apprécier le comportement des descendantes à l’hivernage et à la production printanière.

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15.– La Consanguinité

Aucune espèce animale ne réagit aussi défavorablement à la consanguinité que l’abeille domestique.

C’est un phénomène insidieux qui peut durer des années avant que l’on en remarque la cause. Le retard dans le développement, la diminution de la productivité et une mortalité hivernale exagérée sont à tort excusées par des absences de miellée ou des conditions climatiques défavorables.

La nature et l’évolution de l’abeille ont pris des dispositions à l’encontre de la consanguinité par l’essaimage régulier des colonies avec des reines sans parenté directe et par l’accouplement des reines avec un grand nombre de mâles provenant d’un rayon dépassant 10 km. Un certain nombre d’essaims prennent le large, d’autres venant de l’extérieur viennent enrichir le patrimoine génétique.

Dans un élevage moderne, beaucoup de reines sont élevées à partir d’une seule reine mère et ceci même pendant 3 à 4 années. Les reines des colonies voisines, productrices de mâles, sont souvent remplacées par des filles de la reine d’élevage. La distribution du patrimoine génétique aux collègues du voisinage porte atteinte à la diversité génétique. Le choix des reines de reproduction dans un nombre limité de colonies (10 à 30 colonies) sans acquisition de matériel étranger durant des années renforce, le danger de consanguinité.

Le cas extrême, rarement observé si la fécondation est naturelle, est l’apparition de couvain lacunaire. La reine pond des œufs fécondés qui possèdent 2 allèles sexuels identiques, apportés par l’ovule et le spermatozoïde. Ceci donnerait naissance à des mâles diploïdes. Les abeilles les reconnaissent et les dévorent à la naissance ce qui provoque les trous dans le couvain (Woyke 1963). Ces colonies consanguines ne sont plus viables et doivent être renforcées par des abeilles ou du couvain. Souvent même des colonies à des stades inférieurs de parenté sont accablées par une perte de vitalité. La résistance aux maladies du couvain et à la nosémose est fortement diminuée.

Mais surtout l’insémination instrumentale des reines fait frôler les limites tolérables. On doit toujours être vaillant et travailler avec un spectre génétique très vaste.

Tous les essais de sauvegarde d’une lignée par la consanguinité ont échoué et ont conduit à la perte de la lignée.

Un outil extrêmement intéressant est fourni par Jean-Marie Van Dyck qui publie sur internet les pedigrees des reines sélectionnées.

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publié en français
par le Syndicat National d’Apiculture,
Paris
, 1990.
épuisé.
par Jos Guth
LU-5460 Trintange
Luxembourg